Récemment, la « DPH » (Direction générale Personnes handicapées) a décidé que je n’étais plus handicapée. Par magie, mes bras avaient poussé ! La raison ? J’avais travaillé. Après mes années de travail; le stress, les tensions dorsales, la fatigue avaient eu raison de moi. Et naïvement, j’avais préféré mettre un terme à ma carrière pour investir ailleurs que dans un travail le capital santé qu’il me restait. Une fois les démarches entreprises pour recouvrer mes droits à l’allocation handicapée, l’institution m’a notifié la perte de mon statut de personne invalide. Selon la loi, une personne handicapée est une personne incapable de travailler de par son handicap. Hors, ayant travaillé sans bras, leur absence ne constitue pas un handicap dans l’exercice d’une fonction.
Les bras m’en tombent !
Le stress, les douleurs de dos, la fatigue, les crampes dignes d’un sportif de haut niveau issus de mon handicap n’étaient que passagers, je n’avais qu’à me reposer, faire de la kiné, ou changer de métier.
Me voilà donc refourguée au chômage, avec comme nouveau statut « demandeuse d’emploi », comme si mon handicap ne me suffisait pas, on m’en ajoute un autre. Les agents de l’Office de l’emploi étaient catégoriques : si je ne prouvais pas ma bonne foi dans ma recherche de travail, je risquais d’être exclue du chômage. Autrement dit, je devais chercher un travail, alors que je venais de quitter le mien ! Le serpent qui se mord la queue ! J’avais l’impression d’être sur un terrain de mines, où l’on me demandait de courir pour ne pas risquer de me faire exploser.

J’avais beau tenté d’expliquer que je ne cherchais pas de travail, que je ne pouvais pas physiquement supporter un emploi du temps au quotidien, que mes kinés tiraient la sonnette d’alarme sur l’état de mon dos, QUE NENNI. Le monde du travail m’avait déclaré sa flamme et ne semblait pas comprendre qu’il me faisait vivre un enfer.
Une lueur d’espoir est venue un jour illuminer ces ténèbres, en la personne du médecin conseil.
Enfin! Un homme de science, défenseur de la santé, qui allait raisonner tous ces bras cassés des administrations qui pensent que tout comme eux, une personne sans bras est apte à supporter une charge de travail au quotidien.
Je me suis rendue à la visite médicale avec un trop beau sourire, une bonne mine, et une expression verbale de qualité. Comprenez par-là : je n’étais pas assez handicapée, je m’étais montrée trop productive. Peut-être bientôt un synonyme de « handicapé » sera : « personne dénuée de dignité humaine » L’homme de la santé a donc décidé que ma place était bien au chômage. Que je devais trouver un travail au plus vite, faute de quoi je perdrais mes droits de chômage…
J’aurais peut-être dû simuler mon état quand je suis terrassée par une crampe, peut-être aurais-je été plus crédible, mais la simulation c’est pas mon truc. Néanmoins si vous voulez voir à quoi je ressemble dans ces moments-là, Nadal me refait très bien :giphyeNadal victime d’une crampe en plein conférence de presse – Copyright EspaVivo

Nul n’est censé ignorer la loi. Pourtant moi, je ne la connaissais pas et la découvrais à mes dépens. Cette situation m’a rendu malade, malade au point d’avoir la nausée du système social, la diarrhée verbale au téléphone, j’en avais plein le dos, j’étais en burn-out de la bêtise humaine. Alors à force d’être malade, j’ai été éconduit par le chômage et le monde du travail. La mutuelle m’a prise en charge. Le jour de ma convocation pour me notifier la perte définitive de mon statut de personne handicapée fut un coup de massue. Face au conseil médical, dans ma tête j’ai vu cette scène: « Sarah, les membres du conseil médical ont été réuni et ont décidé de vous exclure de la caisse des personnes handicapées. Leur sentence est irrévocable. » (sic)

sentence-irrevocable

Autrement dit, mon statut de personne handicapée est aboli. Je ne suis plus « handicapée » mais « en incapacité de travail » jusqu’à ce que je décide de remettre mes crampes musculaires dignes d’un athlète de haut niveau, au service d’un employeur.

Bien sûr, les personnes handicapées sont aptes à travailler, cependant un corps humain n’est pas un autre, une situation n’est pas une autre. J’encourage vivement toute personne handicapée à travailler, mais jamais au détriment de ses limites physiques, ses choix personnels, et sa dignité. Certes, je regrette d’avoir perdu un statut administratif qui me garantissait une sécurité. Cependant, je ne regrette pas d’avoir travaillé ; cela m’a aidé à mieux me connaitre, à prendre conscience que je devais davantage écouter mon corps, connaitre mes limites, les respecter et les accepter.

 

 

11 thoughts on “Les bras m’en tombent

  1. Salut Sarah,
    Je découvre ton article et je te souhaite de tenir bon face à un système en perte de sens et
    qui perd complètement ses sens.
    Bonne continuation et ne te laisse pas faire,
    Olivier Hargot, ami de tes frères, en particulier du petit dernier 🙂

  2. Ca me fait penser dans un autre genre à cette dame qui avait perdu sa retraite parce qu’elle avait été déclarée morte. Prouver qu’elle était vivante s’est révélé extrêmement compliqué.

  3. Oui, bonne idée, la presse. Ou la station de radio qui s’occupe des causes perdues. En tout cas, vous expliquez très bien votre histoire, nous avons tous compris. Donc, très étonnée qu’un médecin….ne comprenne pas ! Ne vous découragez pas. Bien à vous. Patricia

  4. Bonsoir Sarah, même si tu es contente d avoir travaillé, c est tout à ton honneur , je connais bien ton parcours, il ne faut pas laisser faire: il faut mobiliser la presse, tu as droit à ce statut. Si tu as besoin de soutien, je suis là. Je t embrasse

  5. Salam

    Je vis dans un pays où les problémes des handicapés sont terrifiants….
    En fait, ici, si t’es pauvre, t’es mal barré si tu as un handicap physique…
    Mais de la part d’un pays comme le tien, que je connais bien, c’est ahurissant !

  6. Les bras m’en sont tombé!!!
    J’en ai même les jambes coupées également…
    J’ai découvert l’absurdité de notre système car je souffre d’un Burn out depuis 1 an et je n’avais jusque là jamais eu à être prise en charge par la mutuelle j’ai alors déjà trouvé beaucoup d aberrations…
    Mais ce que je viens de lire m’horrifie et je crains que le mot soit encore trop faible!
    Si ta situation n’a pas changé et que je puisse t’aider en quoi que ce soit pour faire valoir tes droits, n’hésite pas à me le faire savoir.
    Je t’embrasse.

  7. Bonjour Sarah,
    Ne tapons pas trop sur notre sécurité sociale belge ! Oui, c’est certain qu’il y a parfois des situations kafkaïennes mais, dans l’ensemble, nous sommes très bien aidés et il ne faut pas oublier que cette aide vient des impôts payés par nos familles mais aussi par nos compatriotes.
    J’avais 22 ans quand mon épouse a donné le jour à une petite fille atteinte de quadriplégie athétosique (paralysie des 4 membres et mouvements involontaires de ceux-ci). Malgré les soins de toute grande qualité qui lui ont été prodigués par sa maman et moi-même ainsi que par le corps médical belge, ma fille est décédée à l’âge de 36 ans en 2010.
    Si je m’en tiens uniquement à l’aspect financier, je peux vous garantir que pratiquement tous les soins ( trois séances de kiné par jour, logopédie, opérations, médicaments, hospitalisation en chambre particulière, chaises roulantes, sièges baquet pour voiture, etc… etc…) nous ont été remboursés.
    J’avais, avant la naissance de notre enfant, travaillé un an aux États-Unis et je peux vous assurer que, là-bas, de ce que j’y ai vu en 1973, nous aurions été éjecté des assurances privées, nous aurions vendu tous nos biens et peut-être (probablement) mendié pour soigner notre fille !
    Maintenant que je suis retraité, j’ai l’occasion de voyager. Je suis allé à l’Ile Maurice où j’ai vu que, derrière les cartes postales idylliques de vacances de rêve, il y a un sort peu enviable qui est réservé aux personnes handicapées. Je vais aussi souvent au Maroc en voiture pour y emporter des voiturettes pour un centre pour handicapés où il n’y en a pas pour tout le monde …
    A noter que le pays a cependant une armée équipée de chars Abrams dernier cri et d’avions de chasse comme la Belgique ne peut rêver en acheter …
    J’admire énormément ce que fait Madame Sarah Talbi et je comprends que, à de nombreuses reprises, les bras lui tombaient. Moi aussi, j’ai du me battre contre les administrations, enfin surtout contre un certain personnel qui ne se donne pas la peine de se former convenablement pour renseigner correctement les ayant-droits. J’ai du lire les réglementations, avoir recours à d’autres plus au fait que moi, etc… Bref, j’ai été soumis aussi au parcours du combattant et je comprends.
    Mais voyons aussi le positif : les aides financières importantes (sur 36 ans ma fille a coûté une fortune aux contribuables), le personnel médical de qualité souvent maladroit mais de bonne volonté, etc… Un médecin m’a même expliqué qu’en fait le corps médical devait se former sur le tas car instruit pour soigner des gens … bien portants !
    J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’aller à contre-courant de tout ce qui est écrit ci-dessus car moi je suis infiniment reconnaissant à la Belgique, mon pays, d’avoir permis à ma fille d’avoir vécu 36 ans de qualité en bénéficiant d’absolument tous les soins disponibles.
    Bien à vous.

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